23 sept. 2010

Would you betray me, save me ?






Parfois j’ai l’impression d’être submergée par tant de naïveté. Que ce soit la mienne, ou celle des autres. Je sais que vous connaissez cette fragilité, celle tant convoitée que vous cachez tant bien que mal sous une tonne de masques tous aussi différents les uns que les autres. Certains d’entre nous sont très doués, & de toutes manières, tous les moyens sont bons pour échapper aux mains délicates des esprits stratèges. C’est une fuite constante – bien qu’aucune échappatoire ne soit indiquée – qui fatigue & qui crève, se terminant pour la plupart le ventre à terre dans un terrain vague.
Bien que je ne mange pas de ce pain là, j’ai failli. Comme chaque personne ayant le cœur qui bat sur cette Terre. Ce n’est pas faute d’avoir bâti un mur épais & blindé, encore fallait-il qu’il soit construit dans le bon matériau. La pierre poreuse durant les heures de durs labeurs ont rayé mes pupilles ; j’ai cru à la solidité de ce mur & donc à un cœur impénétrable. Erreur de jugement de ma part ; me semble-t-il avoir oublié un tout petit détail. Le tout petit détail. Vous savez, il suffit d’un moment. D’un seul petit moment loupé, manqué, foiré, raté. & c’est toute une architecture savamment étudiée qui se casse royalement la gueule.
J’ai pleuré, j’ai frappé, j’ai crié haut & fort à l’injustice ; mais vous savez aussi bien que moi que les cordes vocales & les lacrymales n’y ont jamais changé quoi que ce soit. Je me suis haïe ; haïe d’avoir échoué à la protection de cette petite parcelle plus fragile que les autres ; haïe d’avoir accepté l’apocalypse qui frappait à ma porte, & à qui j’ai gentiment ouvert & même offert un café ; haïe d’avoir subi pour au final contempler les morts & les blessés, les gravats & la poussière, la douleur & la colère ; haïe d’avoir aimé & embrassé mes ennemis, si proches, si présents – là, imposants, s’étirant dans toute leur hauteur statuaire & dans leur bassesse morale, déshonorant la moindre particule qui constitue leur matière grise & leur organe vital, cette petite chose qui semble à priori être ce qu’on appelle communément un cœur.
Je me suis haïe, oui. Tant de naïveté dans un si petit corps. J’ai attrapé la main à qui voulait bien me la tendre, & je l’ai serrée de toutes mes forces. Je l’ai serrée de toutes mes forces en pensant qu’au moment où mes veines cesseront d’être alimentées, où mes muscles décideront que non, ce n’est plus possible, qu’à ce moment précis la pression s’inverserait ; la mienne se relâche tandis que l’autre s’installe paisiblement. Il n’en fut rien. Il n’en fut rien sauf pour un.
Ce fut une jolie destruction, avec toute ma bénédiction. J’ai admiré la force avec laquelle il m’adressait ses coups, j’en ai admiré la force & la douceur. Ce n’était pas quelque chose d’agréable à ressentir. Ce n’est pas du masochisme. Il y a une différence entre recevoir des coups avec la queue entre les pattes, & savoir les accueillir avec un visage de pierre, peur non apparente, voire inexistante. Ce fut une jolie destruction dans le sens où celle-ci a été faite avec amour ; je n’avais pas peur – je ne connaissais plus la peur parce qu’au fond de moi, tout au fond dans une petite pièce sacrée, j’avais placé sur un autel les offrandes & les reliques d’une confiance inébranlable.
Oh, bien sûr que j’ai souffert, comme toute personne chez qui on profane ouvertement un lieu culte. Mais c’était une douleur différente. C’était un renfort de l’admiration & de l’amour que je lui ai porté, & que je lui porte toujours. Parce qu’entre nous, parce que je dois vous le dire, ce type a eu les couilles. D’arriver comme une fleur, de s’improviser tyran amoureux & arrivé au but, après m’avoir adressé le coup de Grâce, me recueillir pour panser mes plaies. Alors que je croyais tomber, que je croyais à la fin du monde, à la fin de mon monde ; alors que mon corps se vidait de toute vie, que mes phalanges passaient du blanc au rose ; alors que je lâchais prise.
J’ai senti. Un contact, une pression, une rétention. Un grain de peau, un grain de vie.

& au grand jamais, au moment où je vous parle, je n’ai accordé pareille confiance .